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    – Les hérons de Tracadièche sont toujours là
Barachois de Carleton-sur-mer
Barachois de Carleton-sur-mer avec, au loin, le mont Saint-Joseph (auteur Darkioto, sans modification, licence CC BY-SA 3.0)

Dans la baie des Chaleurs, à l’ouest de Bonaventure, la ville de Carleton-sur-mer s’est imposée comme un lieu de villégiature unique en Gaspésie, grâce à ses deux bancs de sable abritant un havre naturel au microclimat doux, au pied du mont Saint-Joseph. C’est à coup sûr la sécurité et le charme de ce barachois qui attirèrent les fondateurs acadiens de la ville, au printemps de 1767…

Les Acadiens avaient à leur tête un certain Charles Dugas, qui venait de Bonaventure. En août 1766, Charles Dugas avait signé avec Benjamin LeBlanc, son beau-fils acadien, au nom de 25 habitants de Bonaventure, une requête adressée au lieutenant-gouverneur de la province de Québec, Guy Carleton. Les deux cosignataires demandaient l’autorisation de s’établir « depuis l’entrée de la rivière Ristigouche jusqu’au Cap-Noir (New Richmond) » et souhaitaient cette concession pour s’y rendre au printemps suivant. Leur intention était clairement de vivre de la pêche et de la culture des terres et de développer le commerce dans la région, en toute loyauté au Roi et au Seigneur du lieu. Ils n’avaient cependant pas attendu la réponse du Conseil de la province pour installer leurs familles sur ce territoire joliment nommé à l’origine Tracadièche. Pourquoi Tracadièche ? Il se trouve que ce lieu était aussi un territoire traditionnel des Micmacs…

Là où il y a des hérons

Tracadièche vient de Tracadigash, un toponyme micmac qui signifie « lieu où il y a des hérons » ou « lieu de peuplement ». A la belle saison, les Micmacs venaient se rassembler et pêcher à l’abri du barachois. Le premier jour de l’été, ils faisaient l’ascension de la montagne pour célébrer la plus longue journée de l’année. Aujourd’hui, les toponymes du lieu rappellent les origines de la ville. De la pointe Tracadigash, à l’entrée du barachois, on peut observer en face l’île aux Hérons (Nouveau-Brunswick). C’est à proximité de cette pointe que Jacques Cartier avait rencontré 300 Micmacs en juillet 1534. Il avait noté la douceur de la baie qu’il avait nommée… « la baye des Chaleurs ». Mais revenons à la fondation de la ville…

Barachois de Carleton-sur-mer vu du mont Saint-Joseph
Barachois de Carleton-sur-mer vu du mont Saint-Joseph, avec au loin l’île aux Hérons (auteur AFrappier, sans modification, licence CC BY-SA 2.5)

Le cœur économique et commercial du village de Tracadièche se développa sur le banc de sable (aujourd’hui Banc de Carleton). En 1777, lors de son premier recensement, le village comptait 255 habitants, la plupart d’origine acadienne. Parmi ces familles se trouvaient celles de Benjamin Alain, Joseph Boudreau, François Comeau, Charles Dugas et Benjamin LeBlanc, tous provenant de Bonaventure. L’abbé Joseph-Mathurin Bourg résidait aussi à Tracadièche. En 1773, l’évêque de Québec lui avait confié les missions de la baie des Chaleurs et des provinces maritimes. Déporté jeune en Virginie puis en Angleterre, l’abbé Bourg était le premier prêtre acadien missionnaire auprès des Acadiens. Dans les années 1780, il ne put que constater l’influence grandissante du peuplement anglophone, si bien que vers 1787, Tracadièche devint Carleton. Pourtant, on observe encore aujourd’hui dans la baie d’importantes colonies… de hérons bleus.

Voici quelques familles acadiennes pionnières de Carleton en 1777 (source Bona Arsenault) : Benjamin Alain, 45 ans, marié à Marie-Rose Bujold, 35 ans ; Joseph Boudreau, 56 ans, veuf de Rosalie Arsenault ; François Comeau, 31 ans, marié à Marie LeBlanc, 30 ans ; Charles Dugas, 37 ans, marié à Félicité Bujold, 29 ans ; Benjamin LeBlanc, 37 ans, marié à Marie Dugas, 32 ans…