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    – Le havre naturel idéal pour les réfugiés
La rivière Bonaventure
La rivière Bonaventure dans la réserve aquatique de l’Estuaire-de-la-Rivière-Bonaventure, dans le barachois de Bonaventure (auteur Fralambert, sans modification, licence CC BY-SA 3.0)

Au bord de la baie des Chaleurs, la ville de Bonaventure est blottie dans l’estuaire de la rivière du même nom qui forme un havre naturel et profond parfaitement abrité (un barachois). Elle fut fondée en 1760 ou 1761 par plusieurs familles acadiennes qui fuyaient le poste de Petite-Rochelle après la défaite française de la bataille de la Ristigouche…

Dans ces circonstances dramatiques, nul endroit discret ne pouvait mieux les protéger d’une attaque anglaise, d’autant que la rivière offrait aussi une importante voie de communication vers l’intérieur des terres. L’origine acadienne de Bonaventure est maintenant honorée, depuis 2004, dans le « Parc des familles souches » situé avenue de Grand-Pré, à proximité du musée acadien du Québec. Parmi les familles souches, la famille Arsenault a produit un illustre descendant, le généalogiste et historien Bona Arsenault, né à Bonaventure, dont le nom a été donné à une rue de la ville, au plus près du musée acadien du Québec. Bona Arsenault a retracé l’histoire de sa ville qui fut le premier centre de pêche et de commerce organisé dans la région, dont le destin atlantique fut aussi intimement lié à celui des Acadiens. Revenons à 1760…

Le premier centre de pêche et de commerce

Les familles acadiennes avaient probablement été conduites dans le havre de Bonaventure par Joseph Gauthier, ancêtre de Bona Arsenault par sa mère, grâce à sa goélette qu’il avait su mettre en lieu sûr. Lors du premier recensement de la Gaspésie après la conquête anglaise, en 1765, Bonaventure était avec Gaspé l’un des deux seuls postes mentionnés. Avec 40 maisons et une population de 170 personnes, le village avait déjà une activité commerciale bien établie. En plus du poisson, les villageois exportaient des bois de charpente et des mâts de vaisseaux issus d’une forêt de pins rouges en amont de la rivière. Parmi les Acadiens demeurant à Bonaventure en 1765 figurait le fondateur de Tracadièche (aujourd’hui Carleton-sur-mer) en 1766.

Charles Robin
Charles Robin (1743-1824), homme d’affaires de Jersey (image dans le domaine public)

Vers 1770, l’un des plus célèbres commerçants de poisson de la baie des Chaleurs, l’homme d’affaires de Jersey Charles Robin, s’était installé sur le banc de Paspébiac où ses activités de préparation et de séchage de la morue nécessitaient une abondante main d’œuvre. En 1774, face à la pénurie chronique de main d’œuvre locale, il choisit de recruter des Acadiens déportés en France, une main d’œuvre stable, plutôt que des travailleurs saisonniers de Jersey. Les 81 Acadiens qu’il rapatria de Saint-Malo en mai 1774 s’installèrent à Bonaventure mais aussi à Tracadièche. La plupart d’entre eux avaient été déportés en Virginie en 1755 puis retenus en Angleterre jusqu’en 1763. Ils avaient ensuite été transportés en Bretagne. Au final, tout en servant d’abord ses propres intérêts, Charles Robin avait contribué à rassembler des familles acadiennes séparées depuis 20 ans…

Voici quelques familles acadiennes pionnières de Bonaventure (source Bona Arsenault) : Joseph Arsenault, né en 1733 à Beaubassin, marié à Marguerite Bujold ; Joseph Bourque, né en 1733 à Beaubassin, marié à Catherine Comeau ; Paul Bujold, né vers 1726 à Pisiguit, marié à Marie Poirier ; Joseph Gauthier, de Port-Royal, marié à Théotiste Landry…