En novembre 1755 lorsque les premiers Acadiens débarquèrent sur l’île Province, là où se trouve aujourd’hui la piste 8/26 de l’aéroport international de Philadelphie, ils étaient les plus dépourvus des pauvres dans la ville des Quakers qui comptait environ 13,000 âmes. Pour ces humanistes philadelphiens, l’égalitarisme, la charité et la liberté de religion étaient des croyances primordiales. Les citoyens de cette ville «d’amour fraternel» furent particulièrement touchés par la situation pénible des Acadiens en exil, et ce malgré leur inquiétude à l’égard d’une défaite écrasante des forces britanniques quatre mois auparavant contre les Français à Monongahela près de Pittsburgh (anciennement Fort Duquesne). Ce revers majeur a vraisemblablement influencé la décision de déporter les Acadiens de la Nouvelle-Écosse.

En octobre 1755 les navires britanniques Boscowan, Hannah, Swan et Three Friends quittèrent Beaubassin, Grand Pré et Pisiguit en Nouvelle-Écosse avec quelque 500 Acadiens à bord à destination de Philadelphie, où 454 d’entre eux arrivèrent les 18 et 20 novembre 1755. Les déportés furent laissés à la maison des pestiférés sur l’île Province, un lieu de quarantaine établi en 1743, au confluent des rivières Delaware et Schuylkill. Un cinquième navire, l’Union, périt en mer avec 392 déportés acadiens.

Versant nord de la rue Pine
Versant nord de la rue Pine entre les 5ème et 6ème rues (photo crédit : RE/MAX of Reading)

Avec l’aide d’Antoine Bénézet, un enseignant huguenot de Philadelphie né à Saint-Quentin, France, les Acadiens furent hébergés dans des maisons convenables en bois sur le versant nord de la rue Pine entre les 5ème et 6ème rues dans la paroisse catholique de Saint-Joseph. Depuis, ces anciennes maisons ont été remplacées par des maisons en briques rouges (photo). Chaque Acadien recevait quotidiennement au frais de la colonie une livre de pain ainsi qu’une-demi livre de viande.

Morts dans l’anonymat

Porte de l’Est du parc Washington Square
Porte de l’Est du parc Washington Square (photo crédit : Beyond My Ken, sans modification)

À l’automne 1756 des vingtaines d’Acadiens moururent de la variole malgré les soins reçus. Les dépouilles enroulées dans un drap de lin furent entassées dans une fosse commune appelée Potter’s Field près de la rue Pine à la croisée de deux ruisseaux (aujourd’hui le quadrant nord-est du parc Washington Square). Une épitaphe indique «Un réfugié acadien isolé (de sa patrie) repose ici, avec des victimes de l’épidémie» (traduction). Les mots qui suivent auraient probablement dû être ajoutés «Mort dans l’anonymat, à Philadelphie leurs besoins furent soulagés avec amitié et tous furent traités avec bienveillance et charité chrétienne. En outre, ils ont bénéficié sans restriction de tous les services ecclésiastiques de leur religion».

C’est à Philadelphie parmi les malades, raconte Longfellow, que Évangéline retrouve son Gabriel qui meurt dans ses bras. Évangéline interprétée par Marie-Jo Thério d’origine acadienne (avec les lyriques françaises et anglaises).

Église Saint-Joseph
Église Saint-Joseph au 321 Willings Alley (photo crédit : Teaching American History)

L’église Saint-Joseph (photo) fondée en 1733, où beaucoup d’Acadiens étaient des paroissiens, est la plus ancienne église catholique de Philadelphie. Le registre des mariages maintenu par le père Ferdinand Farmer pour la période de 1758 à 1786 révèle des données intéressantes sur les Acadiens. Dans environ 43% des 52 mariages inscrits impliquant un Acadien, l’un des époux était veuve ou veuf. Trente-huit mariages furent célébrés dans lesquels les deux époux étaient acadiens. Dans cinq mariages, des Canadiens ont épousé des Acadiens et sept Français, dont deux de Bordeaux, ont épousé des Acadiennes. Au moins deux autres mariages mixtes ont été célébrés, l’un d’eux unissant Jonathan Birt, un protestant anglais et une acadienne. Par exemple, le 3 février 1763 Simon Babin (veuf) épousa Anastasia Le Blanc (veuve).