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Gordon - Vue de Savannah dans la Georgie

Gordon – Vue de Savannah dans la Georgie

Les réfugiés acadiens dans les colonies anglo-américaines

Grand-Pré en Nouvelle-Écosse est considéré par plusieurs comme le centre historique et spirituel de l’Acadie. Ce site majestueux d’identité culturelle est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis le 30 juin 2012. Il commémore la déportation des Acadiens, décrétée le 28 juillet 1755 et se prolongeant jusqu’au 10 février 1763 date de la signature du Traité de Paris mettant fin à la guerre de Sept Ans entre la France et l’Angleterre. Pour de nombreux Acadiens à l’échelle du monde, Grand-Pré reste le cœur de leur patrie ancestrale et le symbole des liens qui les unissent à ce jour, ainsi qu’une source d’inspiration pour l’avenir du peuple acadien.

Grand-Pré en Nouvelle-Écosse (photo crédit : Allan Lynch)

Pendant les années de la déportation, appelée le « Grand Dérangement », près de dix mille Acadiens sont arrachés à leurs terres ancestrales pour être déportés en majorité vers les colonies anglo-américaines. Certaines colonies refusent carrément d’accueillir ces « ennemis internes » qui refusent de prêter allégeance à la couronne britannique depuis 1713, lorsque l’Acadie fut cédée à l’Angleterre par le traité d’Utrecht. La Virginie, la plus peuplée des treize colonies anglo-américaines, les déportent à nouveau vers le Royaume-Uni aux frais de l’État. Au fond, les autorités des treize colonies ne savent pas comment traiter les réfugiés acadiens. Ces « Français neutres » sont-ils vraiment des ennemis de l’Angleterre ou simplement des sujets britanniques déplacés ? C’est ce qui explique que le traitement réservé aux Acadiens n’est pas uniforme d’une colonie anglo-américaine à l’autre. Dans la plupart des cas cependant, on leur accorde de modestes hébergements, des approvisionnements rationnés et une occasion de s’intégrer à la population locale à titre d’engagés.

Les Acadiens en exil (peinture de Robert Dafford)

Comme nous illustre majestueusement le célèbre peintre louisianais Robert Dafford dans son œuvre « Les Acadiens en exil », la fierté et la vitalité du peuple acadien sont remarquables. Elles sont incarnées avec grâce dans le visage et la posture de la dame anonyme aux cheveux noirs dans le déclin du jour. La tête haute revêtue d’un châle en loques, debout sans abris dans un port de mer étranger sous la vigie des tuniques rouges, elle se tient droit parmi ses compatriotes devenus sagouins et sagouines dans les cales des vaisseaux transporteurs insalubres qui les ont dérangés. À l’instar de la statue en bronze d’Évangéline à Grand-Pré, elle a les yeux vers l’avenir.

Une Acadie pleine de fierté et de vitalité

À travers les colonies anglo-américaines où les réfugiés acadiens ont vécu de peine et de misère le Grand Dérangement, les anecdotes valorisant une Acadie pleine de fierté et de vitalité n’ont jamais disparu, mais elles ont été ensevelies dans une mer de mots au sein d’une multitude d’écrits mettant l’accent sur le destin tragique d’un exil en terre étrangère. En voici quelques-unes découvertes ici et là au hasard de nombreuses lectures :

En Géorgie, la fabrication d’avirons de qualité et autres produits nécessaires à la navigation et à la construction navale par les réfugiés acadiens trouve rapidement marché aux Antilles françaises au grand plaisir des autorités anglophones.

En Caroline du Sud, Basile La Noue, né à Annapolis Royal en Nouvelle-Écosse, devient un chef d’entreprise, un directeur de la banque de Charleston et un député à l’Assemblé générale, c’est-à-dire la législature de l’État.

En Caroline du Nord, Augustin Deschamps épouse Elisabeth White. De leur union heureuse naissent au moins neuf fils et trois filles. Pendant plusieurs années jusqu’en 1793 Augustin exploite avec succès un traversier (ferry) sur la rivière Chowan.

En Virginie, les Acadiens, dispersés en trois groupes pour ne pas constituer une menace de taille, restent moins de six mois. Ils sont placés sous la surveillance constante des soldats britanniques et n’ont pas l’occasion d’interagir avec les habitants de la colonie.

Au Maryland, une cinquantaine d’Acadiens sont logés chaleureusement à la maison Wye, propriété du colonel Edward Lloyd III qui s’engage dans une campagne d’entraide aux réfugiés acadiens. Le président de l’Assemblée générale en accueille cinq chez-lui.

En Pennsylvanie, l’église Saint-Joseph fondée en 1733, où un grand nombre de réfugiés acadiens sont paroissiens, est la plus ancienne église catholique de Philadelphie. Son registre des mariages de 1758 à 1786 cache plusieurs moments heureux dans leur vie.

À New York, le peuple acadien laisse sa marque dans les banlieues avec simplicité et bon goût à travers le régime britannique d’engagement qui, à la même époque, équivaut à celui des colonies françaises d’Amérique, du Québec aux Antilles.

Au Connecticut, la jolie « Maison acadienne », inscrite au registre national des lieux historiques des États-Unis, est bénévolement mise par son propriétaire à la disposition de René Hébert dit Groc, sa conjointe Marie Boudreau (Boudrot) et leurs douze enfants.

Au Massachusetts, la Cour approuve le 22 avril 1757 les frais médicaux pour soigner la famille de Charles Meuse et le 21 décembre 1758 les dépenses encourues par la communauté de Sherborn pour son soutien à la veuve Gourdeau et ses dix enfants.

Le retour des réfugiés acadiens (peinture de Claude Picard)

Au lendemain du Traité de Paris environ 3600 Acadiens quittent les colonies anglo-américaines en petites bandes, tel qu’illustré par le talentueux peintre acadien Claude Picard, pour retourner vivre au Canada français. La plupart d’entre eux choisissent de s’établir au Québec. Très peu reviennent en Nouvelle-Écosse, préférant se diriger vers le Nouveau-Brunswick actuel ou la région de Malpèque sur l’Île-du-Prince-Édouard (anciennement l’Île Saint-Jean), loin des pressions anglaises. Quelque 4500 autres partent pour la Louisiane (alors sous le contrôle d’une Espagne catholique). Certains se contentent de rester sur place aux États-Unis. Ainsi prend naissance la Nouvelle-Acadie qui devient au fil du temps une grande et noble diaspora.

Résolution 294 des Etats-Unis d’Amérique

En reconnaissance explicite de la vitalité du peuple acadien la Proclamation du 9 décembre 2003 de la reine Élizabeth II du Royaume-Uni désigne le 28 juillet de chaque année (à compter de 2005) « Journée de commémoration du Grand Dérangement ». À l’appui de cette proclamation royale, la Chambre des Représentants des États-Unis d’Amérique adopte officiellement le 25 juillet 2005 la Résolution 294 et tous ses considérants dont l’un affirme que les 10 000 hommes, femmes et enfants exilés de Nouvelle-Écosse il y a deux siècles et demi sont les ancêtres de nombreux franco-acadiens ou cajuns du sud de la Louisiane, aussi surnommé le pays des Cadiens.

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