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  • Vidalia (Saint-Louis de Natchez)
    – Un pardon au peuple acadien digne de respect
Le pont Natchez-Vidalia
Le pont Natchez-Vidalia et le site riverain probable du fort San Luìs de Natchez (photo crédit : Billy Hathorn, licence CC BY 3.0)

Conformément au Traité de Paris de 1763 la France cède à la Grande-Bretagne ses terres à l’est du fleuve Mississippi et à l’Espagne ses terres à l’ouest du grand fleuve. En septembre 1766 les forces britanniques restaurent le vieux fort Rosalie érigé par les Français au pays des Natchez en 1716 et le rebaptisent Fort Panmure. Concernés par cette militarisation, les Espagnols construisent le fort San Luìs de Natchez sur la rive opposée, là où se trouve aujourd’hui la ville de Vidalia, le siège de la paroisse de Concordia. En février 1768, 149 nouveaux réfugiés acadiens (29 familles) sont envoyés, contre leur volonté, à San Luìs de Natchez par le gouverneur Antonio de Ulloa pour servir de milice. C’est à bord du navire Jane commandé par le capitaine Richard Ryder que ce groupe d’Acadiens émerge sur la côte louisianaise à la mi-janvier 1768 en provenance de Port Tobacco au Maryland.  

Nous savons que Pierre Guédry et Claire Babin font partie du voyage. De plus, une liste de ventes à la clientèle au Port Tobacco indique clairement qu’un dénommé Michel (Michael) Poupard a acheté deux paires de souliers le 14 janvier 1764. Cette colonisation forcée à San Luìs de Natchez soulève le mécontentement des Acadiens qui appuient la destitution d’Ulloa lors de la rébellion de 1768 à la Nouvelle-Orléans. L’année suivante, le nouveau gouverneur de la Louisiane coloniale espagnole, le général irlandais Alejandro (Alexander) O’Reilly, autorise les Acadiens à quitter leur poste isolé et malsain et à choisir eux-mêmes leur endroit de résidence. Tous quittèrent ce lieu frontalier loin de toute civilisation. Aujourd’hui, il ne reste plus rien du fort San Luìs de Natchez et son cimetière. Leur histoire vous est ici brièvement racontée.

Carte dressée par Timothy F. Reilly (source Louisiana Digital Library)

Forcés de coloniser San Luìs de Natchez

D’emblée, il importe de savoir qu’en octobre 1755 quatre vaisseaux britanniques (le Dolphin, le Elizabeth, le Leopard et le Ranger) quittèrent Grand-Pré et Pisiguit en Acadie (aujourd’hui la Nouvelle-Écosse) en destination du Maryland avec 913 déportés acadiens dans leurs cales ténébreuses. À leur arrivée sur les quais d’Annapolis le 20 novembre 1755, malades et miséreux, 157 d’entre eux furent acheminés vers Port Tobacco où ils vécurent en exil pendant 12 ans avec un taux élevé de mortalité. En octobre 1767, 150 Acadiens de Port Tobacco prirent en location le navire Jane pour se rendre à la Nouvelle-Orléans. Dès leur débarquement ils furent forcés manu militari de s’établir au fort San Luìs de Natchez où ils y vécurent misérablement pendant près de deux ans. Aujourd’hui, Vidalia fait partie du pays des Cadiens appelé « L’Acadiane » qui est le nom officiel donné à la région d’influence française de la Louisiane actuelle.

Alejandro O’Reilly
Alejandro O’Reilly, deuxième gouverneur de la Louisiane coloniale espagnole (peinture par Francisco José de Goya, image dans le domaine public)

À la Nouvelle-Orléans les membres de la famille Breau, une des 29 familles concernées dont la généalogie remonte à La Chaussée en Nouvelle-Aquitaine (France) refusèrent la soumission absolue imposée par le gouverneur Ulloa. Ils désiraient plutôt s’établir à Cabanocée sur la « Côte acadienne » où ils avaient de la parenté. Menacés de déportation, ils durent acquiescer au déplacement vers San Luìs de Natchez. Les frères Alexis et Honoré Breau de Pisiguit, cependant, se joignirent à la rébellion des Créoles français contre l’intransigeance du contrôle espagnol. À cette période, les Acadiens étaient devenus le groupe culturel prédominant en Louisiane, à l’extérieur de la capitale. Lors de la rébellion de la Nouvelle-Orléans en octobre 1768, plusieurs Louisianais francophones prirent les armes pour forcer le départ du premier gouverneur de la Louisiane espagnole. Grâce à une orchestration bien appliquée Ulloa fut renversé sans aucune violence ou bain de sang et quitta la Louisiane. À propos, la famille Breau (aussi Breaux) est une famille souche de l’Acadiane. De nos jours, il existe beaucoup d’autres variations de ce surnom, telles que Brau, Braud, Braut, Braux, Breaud, Brot et Bro.

Plus astucieux que son prédécesseur, O’Reilly pardonna le peuple pour son implication dans la révolte, sauf cinq dirigeants créoles français c’est-à-dire Nicolas Chauvin de Lafrenière, Pierre Marquis, Jean-Baptiste de Noyan, Pierre Caresse, et Joseph Milhet. Il vit plus clairement le rôle des Acadiens dans l’avenir de la colonie sudiste.