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    – De Pisiguit au cimetière des pauvres à Philadelphie
Les marais salés apparaissent en bleu (Courtoisie de Bibliothèque et Archives Canada)

Pisiguit (aujourd’hui Windsor) tire son nom du mot « Pesegitk » des Mi’kmaqs qui veut dire « Là où la marée montante bifurque » en référence à la jonction des rivières Avon (anciennement Pisiguit) et Sainte-Croix dans le bassin des Mines. Les premiers colons furent de jeunes Acadiens de Port-Royal venus vers 1684, suivis par des Anglais en 1749 qui bâtirent le fort Edward l’année suivante. Les documents de recensement du régime français datés de 1686 répertorient plusieurs fermes bien établies à côté des marais salés (en bleu sur la carte ci-contre). Des fouilles archéologiques minutieuses ont mis à jour un grand nombre de villages acadiens antérieurs au Grand Dérangement, plus précisément les villages Babin, Breaux, Forêt, Leblanc, Pierre Germain Landry, Rivet, Thibodeau, Trahan, Vincent, et Cinq Maisons. Ensemble ces villages ou groupes d’habitations composaient Pisiguit (aussi appelé Pisiquit, Pigiguit, Pisiquid ou Pisiguid). Le recensement de 1701 dénombre 188 personnes étalées sur 33 familles. Bien qu’il y eût plusieurs fermiers, d’autres métiers y sont soulignés tels que des caboteurs, un tailleur et laboureur, des chirurgiens, un maçon, et un potier. La vallée des trois rivières, y inclus la Quenetcou (maintenant la rivière Kennetcook), était peuplée dans presque toute l’étendue des rivages.

Pisiguit avait deux paroisses, la paroisse Sainte-Famille (en vert) du côté occidental et la paroisse de l’Assomption (en rose) du côté oriental. À ses débuts, Pisiguit n’avait qu’une seule paroisse, c’est-à-dire Notre-Dame de l’Assomption, fondée le 8 août 1698. Bien entendu, les habitants qui résidaient sur la rive opposée voulaient leur propre église, puisque la traversée était difficile. C’est alors que l’évêque de Québec promulgua un édit le 28 juin 1722 pour créer une nouvelle paroisse baptisée Sainte-Famille. Les paroissiens étaient servis par un seul prêtre, qui allait célébrer la messe d’une église à l’autre, de façon alternée toutes les semaines.

De la prospérité à la déportation

Les gens de Pisiguit ont vécu une prospérité accrue pendant au moins un demi-siècle. Cet état des faits nous est révélé à travers l’accroissement de la population qui a presque doublé en treize ans seulement, passant de 188 personnes en 1701 à 351 en 1714. Deux décennies plus tard, en 1737, Pisiguit comptait alors 1623 colons, en particulier 168 hommes, 161 femmes, 749 garçons et 545 filles. Puis en 1748, Pisiguit avec 2700 âmes était devenu plus peuplé que les communautés de Grand-Pré et de Rivière-aux-Canards (Canard) qui avaient ensemble 2400 résidents. À partir du début des années 1750, la population a commencé à chuter sous la pression de plus en plus intense des autorités britanniques. Les départs se faisaient surtout vers l’Isle Saint-Jean (aujourd’hui l’Île-du-Prince-Édouard) et Beaubassin dans l’isthme de Chignectou.

La rivière Avon à Falmouth
La rivière Avon à Falmouth en face de Windsor (Courtoisie de Canada247)

Fort Edward, ci-haut mentionné, fut érigé par les Britanniques en 1750 au sommet d’une colline surplombant le bassin des Mines, sur l’emplacement de l’église de l’Assomption qui fut démolie. C’est dans ce fort en rondins que les habitants de Pisiguit ont appris, le 5 septembre 1755, les événements qui allaient mener à leur expulsion. Vingt-cinq jours plus tard les navires Dolphin, Neptune, Ranger et Three Friends quittèrent Pisiguit vers les colonies anglo-américaines de la côte Atlantique avec 1066 déportés à bord. Le Three Friends transporta à lui seul 156 Acadiens.

L’ancien cimetière des pauvres de Philadelphie
L’ancien cimetière des pauvres de Philadelphie (photographe inconnu, source IRMA Portal)

Le 20 novembre 1755 le Three Friends arriva à Philadelphie dans le même temps que les navires Boscowen, Hannah et Swan qui venaient de Grand-Pré et de l’isthme de Chignectou. Ces quatre vaisseaux transporteurs débarquèrent au total 454 Acadiens démunis de tout sur les quais de Philadelphie. Plus de la moitié des arrivants, soit 250 Acadiens, moururent de la variole à l’automne de 1756 malgré les soins reçus. Dans l’anonymat le plus complet leurs dépouilles, enroulées dans un drap de lin, furent entassées dans une fosse commune appelée Potter’s Field, l’ancien cimetière des pauvres. Aujourd’hui dans le quadrilatère nord-est du parc Washington Square où se trouve le cimetière, une des trois épitaphes (photo) se lit « Un réfugié acadien en exil repose ici, avec des victimes de l’épidémie » (ma traduction).

Sachez que de plus amples informations concernant les Acadiens en exil à Philadelphie sont données dans la zone géographique intitulée Colonies anglo-américaines.