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  • Saint-Gabriel
    – Surveiller les Anglo-Américains avant tout

En 1764, à la suite du traité de Paris mettant fin à la guerre de Sept Ans entre la France et la Grande-Bretagne, les Anglo-Américains érigèrent Fort Bute sur la rive orientale du fleuve Mississippi au confluent de la rivière d’Iberville, devenue le Bayou Manchac. Les Espagnols contrôlant alors la Louisiane répondirent par l’édification deux ans plus tard du Fort San Gabriel de La Manchac situé à 19 kilomètres (12 milles) au sud de Bâton Rouge, sur la rive occidentale du Mississippi.

Emplacement de l’ancien Fort San Gabriel de La Manchac
À l’orée des arbres se trouve l’emplacement de l’ancien Fort San Gabriel de La Manchac, avec à gauche la digue actuelle du Mississippi (photo crédit : Billy, source On the Trail of Codman Parkerson)

Le 28 septembre 1766, un navire britannique arriva à la Nouvelle-Orléans en provenance de Baltimore au Maryland avec 224 réfugiés acadiens (environ 50 familles) à bord. Désireux de compléter la construction du fort et de peupler ses environs, le gouverneur Antonio de Ulloa fournit aux Acadiens des vivres, des outils agricoles et des fusils. Puis pendant l’été de 1767, il les aménagea en périphérie du Fort San Gabriel. À cette époque, l’embouchure du Bayou Manchac, un nom d’origine autochtone, se trouvait à la frontière entre la Louisiane (administrée par la couronne d’Espagne) et les Colonies anglo-américaines du Sud.

Courtoisie de Richard Crumbacker, Crisfield, Maryland, source AAMS

Il importe de savoir que lors du Grand Dérangement de 1755 les cinq registres de la paroisse de Saint-Charles-des-Mines de Grand-Pré, Nouvelle-Écosse (anciennement l’Acadie) couvrant la période 1688-1775, furent transportés par les déportés acadiens. Après avoir passé une décennie au Maryland ces registres furent transportés de nouveau vers la Louisiane et remis en 1767 au prêtre résident du Fort San Gabriel. Trois d’entre eux (ayant trait aux années 1707-1748) se trouvent présentement dans les voûtes des Archives du Diocèse de Bâton Rouge. Les deux autres registres furent malheureusement détruits lors d’une érosion des terres fluviales. Voir les BMS (Baptêmes, Mariages, Sépultures) de Saint-Charles-des-Mines de Grand-Pré en 1707-1748 (contenant 3412 inscriptions).

Les colons de Saint-Gabriel

Dès leur arrivée à San Gabriel au mois d’août 1767 les premiers colons furent catalogués par des rapporteurs espagnols qui avaient beaucoup de difficulté à comprendre le français et à épeler correctement le nom des Acadiens. En conséquence, Babin devint Bavin, Granger > Granget, LeBlanc > Leblan, Allain > Alin, Forêt > Forez, Richard > Ruchar, Comeau > Commo, Bontemps > Botam, Blanchard > Blancher, Melançon > Lanson, et Belle-Isle > Velila.

Tous les enfants orphelins furent rattachés à une famille. Un peu plus de 32% du groupe des réfugiés s’appelaient Hébert (Hiber) ou Landry (Landri). Les jeunes hommes célibataires furent employés au fort à titre de salariés. C’est le médecin du fort qui voyait aux soins de santé de tous les Acadiens. L’âge moyen de l’ensemble du groupe, y compris les enfants, était de 20 ans. Périodiquement, des parties de chasse étaient organisées à tour de rôle pour fournir de la viande aux habitants ainsi qu’aux soldats.

En conformité avec le décret du gouverneur Ulloa, des parcelles de terre en aval du fort en direction de la Nouvelle-Orléans furent concédées d’une façon linéaire, comme une formation militaire, le long du Mississippi. Seuls les chefs de famille, qu’ils soient mariés, veufs, veuves ou célibataires, devinrent propriétaires fonciers. Cette politique avait pour but de forcer les adultes à se marier et à établir un foyer pour essentiellement affermir la frontière et étendre la Côte acadienne. Il va sans dire qu’on demanda gentiment aux Acadiens d’être vigilant à l’égard des Anglo-Américains de l’autre côté du fleuve.

L’actuelle église Saint-Gabriel
L’actuelle église Saint-Gabriel remodelée entre 1774 et 1776, dont plus de 70% du bâtiment est composé de matériaux d’origine (photo crédit Z28scrambler, licence CC BY-SA 3.0, sans modification)

Le décret gouvernemental prévoyait aussi que le commandant du fort, de la milice et de la paroisse San Gabriel (aujourd’hui Saint-Gabriel) avait la charge des affaires civiles en matière de gouvernance des lieux et de l’administration de la justice pour tous les litiges qui lui sont soumis. En ce qui concerne les questions économiques, elles étaient autogérées par les Acadiens eux-mêmes. Puis en 1769, sous la direction du père Dragobert, les paroissiens érigèrent en bois de cyprès une église à l’extérieur des palissades du fort pour subvenir aux besoins spirituels de tous et chacun. Entre novembre 1774 et juillet 1776, elle fut remodelée par Louis LeConte, un constructeur de La Fourche, avec l’aide des paroissiens. Le 27 novembre 1972 elle fut inscrite au Registre national des lieux historiques des États-Unis.

Aujourd’hui, Saint-Gabriel se situe dans la paroisse d’Iberville qui fait partie de la région métropolitaine de Bâton Rouge.