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    – La déportation des habitants de Cobéguit reste un secret d’histoire
Burntcoat Head Park
A Burntcoat Head Park, à l’ouest de Truro, l’inclinaison du bassin océanique est évidente (Photo crédit : Alison G, Tripadvisor)

Cobéguit est l’interprétation française donnée au mot Mi’kmaq « Wecobeguit » qui signifie « la baie qui va loin », en référence au phénomène impressionnant du marnage qui est le dénivelé entre les niveaux successifs d’une marée haute et d’une marée basse. Plus le dénivelé est élevé, plus loin va le plan d’eau. Longtemps avant l’arrivée des Européens sur les rives de Wecobeguit et sans savoir que le marnage varie dans le temps et l’espace en fonction de plusieurs paramètres, dont les plus importants sont les astres (le Soleil, la Lune et les planètes) et la géographie (bassin océanique), les Mi’kmaqs ont su nommer les lieux proprement. Selon la légende Mi’kmaq le phénomène des marées s’expliquait par la danse proportionnée d’une baleine géante qui agite les eaux de la baie de Fundy (originellement la baie Française). Du point de vue géographique, la baie Cobequid (anciennement Cobéguit) se trouve à la tête du bassin des Mines qui est le prolongement de la baie de Fundy qui à son tour est un bras de mer. C’est dans la baie Cobequid que les marnages les plus grands au monde se produisent à l’admiration des visiteurs. On peut y observer des marées de 16 mètres (53 pieds). Elles fascinaient Mathieu Martin, seigneur et fondateur de Cobéguit (aujourd’hui Truro).

Le 28 mars 1689, quatre lieues (19,2 kilomètres) de front sur la baie Cobequid, située à l’extrémité orientale du bassin des Mines, ont été concédées à titre de fief seigneurial à Mathieu Martin, un tisserand de Port-Royal. Selon l’acte de concession de la seigneurie de Saint-Mathieu, Mathieu Martin était « le premier (enfant) né en Acadie parmi les Français du pays ». Nous savons que le seigneur Martin a reçu son enseignement scolaire à l’école des Pères Récollets de Port-Royal et qu’il a opéré un comptoir de traite avec les Mi’kmaqs dans l’estuaire de la rivière Wecobeguit (aujourd’hui la rivière Salmon qui traverse Truro).

La seigneurie de Saint-Mathieu

Mascaret sur la rivière Salmon
Mascaret sur la rivière Salmon à Truro (Photo crédit : Fram Dinshaw, Saltwire Network)

Les premiers censitaires de la seigneurie de Saint-Mathieu sont arrivés vers la fin du XVIIe siècle. Le recensement de 1701 nous indique qu’il s’agissait des familles de Jérôme Guérin, de Martin Blanchard, et de Martin Bourg, venues de Port-Royal. Un des frères de Martin Bourg, nommé Jean, était l’époux de Marguerite, la sœur de Mathieu Martin. Puis, antérieurement au recensement de 1707, quatorze nouvelles familles se sont jointes à la seigneurie. Neuf de ces familles étaient apparentées à Martin Bourg, de sorte que les deux tiers des censitaires sont rattachés directement ou indirectement à la famille Bourg, et aussi à celle du seigneur lui-même. On voit bien ici l’influence que les relations parentales exerçaient sur le peuplement des seigneuries acadiennes. Sept ans plus tard, conformément au recensement de 1714, Mathieu Martin, alors âgé de 79 ans, vivait toujours dans son fief. D’après la légende il y resta jusqu’à la fin de sa vie.

Site de l’église Saint-Pierre et Saint-Paul
Site de l’église Saint-Pierre et Saint-Paul à Cobéguit, Masstown (Courtoisie de Martin Guidry)

En 1748, la paroisse de Saint-Pierre et Saint-Paul était reconnue comme « le lieu principal » de Cobéguit, comptant une centaine de familles. L’église et son cimetière se trouvaient dans un champ quelque part entre le panneau bleu (photo) de signalisation et le littoral. Car les soldats britanniques avaient incendié tous les bâtiments, y compris l’église (détruisant ainsi tous les registres paroissiaux), pour décourager le retour des Acadiens.

Plus précisément, en ce qui concerne la déportation des paroissiens de Saint-Pierre et Saint-Paul lors du Grand Dérangement de 1755, les opinions varient. Thomas Miller, un chercheur écrivain, rapporte dans son livre portant sur les premiers colons du comté de Colchester que la plupart des gens ont été expulsés sur trois vaisseaux transporteurs. À l’opposé, le journal du colonel John Winslow (responsable des expulsions) indique que le capitaine Lewis et un certain nombre de soldats envoyés à Cobéguit (Cobequid) s’attendaient à y trouver de deux à trois cents Acadiens. Mais à leur arrivée, la zone avait été évacuée. Les forces britanniques sont restées dans la région du 23 au 26 septembre, incendiant les édifices. Deux granges près de Clifton sur le flanc occidental du comté auraient échappé aux flammes.