> Atlantique Nord Introduction historique

Carte des côtes méridionales de l’île de Terre-Neuve, Philippe Buache, 1733, domaine public

Les réfugiés acadiens dans l'Atlantique Nord

En 2004, la province canadienne de Terre-Neuve et Labrador et la collectivité d’outremer française de Saint-Pierre et Miquelon célébraient ensemble 500 ans de présence française dans la région. Cette démarche était bien naturelle car si les deux voisins sont aujourd’hui séparés par une frontière internationale, ils ont partagé une longue histoire commune, plongés dans l’interminable conflit colonial entre Anglais et Français. Voici quelques repères historiques pour comprendre l’histoire acadienne de cette région si convoitée par les deux grandes puissances…

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Ville de Placentia, ancienne colonie française de Plaisance, à Terre-Neuve
(auteur Michel Rathwell, licence CC BY-2.0)

Fondation de la colonie de Plaisance

Dès le début du 16ème siècle, les pêcheurs bretons, normands et basques fréquentaient les eaux de Terre-Neuve où la morue était abondante et très prisée des Européens. L’exploitation saisonnière des postes de pêche français connut son apogée vers 1550, quand les ports français envoyaient chaque année plusieurs centaines de bateaux, bien plus que les ports espagnols, portugais et anglais. Au 17ème siècle cependant, seuls les Anglais et les Français purent fonder des colonies permanentes à Terre-Neuve, dont l’économie reposait entièrement sur la pêche à la morue et le commerce.

C’est à Plaisance (aujourd’hui Placentia), sur la côte ouest de la péninsule d’Avalon, que la colonie française fut fondée avec un gouverneur nommé en 1662, alors que Saint John’s était la capitale de la colonie anglaise, sur la côte est de la même péninsule. Dans les faits, les Anglais occupaient la partie nord de Terre-Neuve, les Français la partie sud. Les petits villages de pêcheurs sous administration française s’étendaient depuis la partie occidentale de la péninsule d’Avalon jusqu’au Cap Ray et la péninsule de Port-au-Port, à l’ouest. Parmi ces villages sédentaires figurait Saint-Pierre, fondé vers 1604 par des pêcheurs bretons, normands et basques, port de pêche du petit archipel de Saint-Pierre et Miquelon. Dès lors, la nécessité de contrôler les pêches à Terre-Neuve allait très vite exacerber la rivalité franco-anglaise.

Substitution de Louisbourg à Plaisance

En 1713, le traité d’Utrecht mit fin à la guerre de succession d’Espagne en Europe. Dans le golfe du Saint-Laurent, la France dût céder à l’Angleterre la colonie de Plaisance et les îles Saint-Pierre et Miquelon, mais aussi et surtout l’Acadie péninsulaire, rebaptisée Nouvelle-Ecosse.
Elle conservait cependant l’île Saint-Jean (actuelle Ile-du-Prince-Édouard), de même que l’île Royale (actuelle île du Cap-Breton) où allait bientôt commencer la construction de la forteresse de Louisbourg. L’île Royale se substituait aussi à Plaisance comme colonie française de pêche et de commerce dans le golfe. Alors que Terre-Neuve et ses petites îles adjacentes étaient devenues exclusivement anglaises, les Français avaient pu conserver un droit de pêche et de sécherie sur les côtes de Terre-Neuve depuis le Cap Bonavista jusqu’à la Pointe Riche (French Shore), sans pouvoir y établir de colonie.

Droits de pêche français à Terre-Neuve (auteur Hugues Arnaud, licence CC BY-SA 4.0)

Dès 1714, la plupart des habitants de Plaisance et de Saint-Pierre et Miquelon durent abandonner leur colonie pour rester français et s’établirent à l’île Royale. Protégée par sa forteresse, la colonie de Louisbourg devint très vite la plaque tournante du commerce intercolonial nord-atlantique. En Nouvelle-Ecosse, la plupart des Acadiens refusaient toujours de prêter un serment d’allégeance sans condition au nouveau pouvoir colonial. Les Anglais le supportaient d’autant moins que les Français n’avaient pas renoncé à construire une nouvelle Acadie, avec le soutien des Acadiens et des alliés micmacs.

En août 1755, le gouverneur de la Nouvelle-Ecosse ordonna la déportation massive des Acadiens. Elle fut exécutée avec tant de zèle qu’au printemps 1756, plus de 6000 Acadiens avaient été déportés et dispersés dans les colonies anglo-américaines. Beaucoup de leurs compatriotes avaient pourtant réussi à se réfugier à Québec et dans les îles Royale et Saint-Jean, encore sous souveraineté française. En 1758, la guerre de Sept Ans, engagée quatre ans plus tôt en Amérique du Nord, commençait à se retourner en faveur des Anglais. Le 26 juillet, ils obtenaient la capitulation de Louisbourg et quatre semaines plus tard, prenaient possession de l’île Saint-Jean. La population civile de l’île Royale, française et acadienne, fut exilée en France, de même que celle de l’île Saint-Jean, très majoritairement acadienne.

Extension des droits de pêche

En 1763, le traité de Paris mettait fin définitivement à la présence française en Amérique du Nord, sauf à Terre-Neuve, où les Français avaient pu conserver leur droit de pêche et de sécherie sur le French Shore. Ils avaient aussi obtenu, en guise de «dédommagement», la restitution du petit archipel de Saint-Pierre et Miquelon destiné à servir de base française d’un commerce qui se voulait toujours aussi lucratif. Le traité de Paris n’autorisait la France à ne construire que des bâtiments civils sur l’archipel, pour les seuls besoins de la pêche, en maintenant seulement une petite garnison pour en assurer la police. Très vite, d’anciens résidants de Louisbourg s’installèrent à Saint-Pierre, bientôt rejoints par de nombreux réfugiés acadiens, anciens colons de la Nouvelle-Ecosse, qui préféraient Miquelon. Mais le long calvaire de tous ces exilés était loin d’être terminé, dans un contexte international toujours aussi mouvementé… Voir Saint-Pierre et Miquelon – Les pêcheurs à Saint-Pierre et les Acadiens à Miquelon.

Ce n’est pourtant pas tout. En 1783, le traité de Versailles, qui reconnaissait l’indépendance des Etats-Unis, accordait à la France une extension de sa zone de pêche à Terre-Neuve. Celle-ci s’étendait désormais plus à l’ouest, entre le cap Saint-Jean et le cap Ray, toujours sans possibilité d’y établir une colonie. Les Français retrouvaient la région de la péninsule du Port-au-Port et de la baie Saint-Georges qu’ils avaient dû quitter après l’abandon de la colonie de Plaisance. C’est probablement avant la fin du 18ème siècle que les premières familles acadiennes s’installèrent dans la baie Saint-Georges, sans y être expressément autorisées… Voir Terre-Neuve – Quand les pêcheurs français se sont alliés aux colons acadiens.

Liste des communautés acadiennes

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