Capsules historiques

Le rêve fou des îles Kerguelen

Manchots royaux aux îles Kerguelen
Manchots royaux de la baie Larose, dans la partie sud de l’île principale, aux îles Kerguelen, avec en arrière-plan le Mont Ross (photo Fabrice Le Bouard, Communication TAAF)

Au sein des Terres australes et antarctiques françaises (collectivité d’outremer depuis 1995), les Terres et mers australes françaises sont classées en réserve naturelle nationale inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis le 5 juillet 2019. Composées principalement de l’archipel Crozet, des îles Kerguelen, Saint-Paul et Amsterdam, loin des centres d’activité humaine, elles abritent l’une des plus fortes concentrations d’oiseaux et de mammifères marins au monde, mais pas le moindre habitant humain permanent. Par contre, elles disposent de bases scientifiques et techniques occupées en permanence. Intéressons-nous maintenant aux îles Kerguelen. C’est le 12 février 1772 qu’elles furent découvertes, par le capitaine de vaisseau Yves-Joseph de Kerguelen de Tremarec…

Ce jour-là, le capitaine Kerguelen, qui commandait l’expédition chargée de découvrir le présumé continent austral, au sud de l’île de France (actuelle île Maurice) où il avait fait étape, pensait l’avoir trouvé et le baptisa « France australe ». Après son retour en France, il déclara qu’il avait découvert la masse centrale du continent Antarctique, dont les richesses en animaux marins et en gisements miniers semblaient très prometteuses. Il pensait même que de nouveaux colons pouvaient vivre dans un tel environnement et faire pousser toutes les productions végétales de la métropole. Selon lui, il fallait recruter des Acadiens, alors réfugiés en France et très pauvres, mais capables de transformer leur nouvelle colonie en grenier à blé des possessions françaises dans l’océan indien. Hélas, ce projet fou du capitaine Kerguelen, guère convainquant, ne vit jamais le jour …

L’île de la Désolation

Carte détaillée des îles Kerguelen (créateur Rémi Kaupp, licence CC BY-SA 4.0)

En réalité, ce 12 février 1772, le capitaine Kerguelen avait découvert la plus grande des îles Kerguelen, mais sans que son bâtiment, La Fortune, puisse y accoster, à cause du mauvais temps. C’est seulement le lendemain que l’un de ses lieutenants, officier à bord du Gros Ventre, l’autre bâtiment de l’expédition, prit possession de l’île, au nom du roi de France, en débarquant à la pointe sud-ouest de l’île. Il avait accosté dans la désormais bien nommée « anse du Gros-Ventre », au débouché de la vallée des Sables. Le 14 décembre 1773, lors de sa seconde expédition vers les terres australes, le capitaine Kerguelen aperçut l’île principale mais fut encore dans l’incapacité de descendre à terre. Trois semaines plus tard, c’est l’un de ses lieutenants, officier à bord de L’Oiseau, l’autre bâtiment de l’expédition, qui débarqua à la pointe nord de l’île, dans la maintenant célèbre « baie de l’Oiseau ». Pourquoi célèbre ? C’est à cet endroit qu’il laissa une bouteille contenant un parchemin certifiant la prise de possession française de l’île…

Si ces précisions sont utiles ici, c’est que le capitaine britannique James Cook accosta dans la même baie, le jour de Noël 1776, et trouva la bouteille et le parchemin. C’était donc bien exact, les Français étaient allés à terre, ils avaient pris possession ! Le capitaine Cook compléta le parchemin et le replaça dans la bouteille qu’il disposa près de la place où il l’avait trouvée. Ensuite, tout en hissant le pavillon britannique, il nomma ce lieu « Christmas Harbour ». Après quelques jours de reconnaissance de la côte nord de l’île principale, il constata que cette île était décidément stérile et désolée et la nomma « île de la Désolation ». Le capitaine Cook avait confirmé ce que le capitaine Kerguelen n’avait pas pu attester lui-même. L’île principale, aujourd’hui dénommée Grande Terre, n’est pas bien grande, n’est assurément pas un continent et n’offre aux colons aucune chance de survie. Quant à la plupart des réfugiés acadiens en France, ils étaient destinés, en janvier 1773, à rejoindre le Poitou. Dans les terres poitevines, le projet agricole du marquis de Pérusse des Cars venait d’être accepté par le gouvernement, bien loin des manchots et des éléphants de mer du capitaine Kerguelen (voir FRANCE).

Références : voir MERS DU SUD